Un ascenseur vers Jésus

Le 1er décembre, nous avons accueilli les reliques de Sainte-Thérèse de Lisieux. Retrouvez les quatre extraits de ses écrits médités pendant notre veillée de prière, pour découvrir sa spiritualité.

1. « Une seule mission ne me suffirait pas »

Être ton épouse, ô Jésus, être carmélite, être par mon union avec toi la mère des âmes, cela devrait me suffire… il n’en est pas ainsi… Sans doute, ces trois privilèges sont bien ma vocation, Carmélite, Épouse et Mère, cependant je sens en moi d’autres vocations, je me sens la vocation de guerrier, de prêtre, d’apôtre, de docteur, de martyr; enfin, je sens le besoin, le désir d’accomplir pour toi Jésus, toutes les œuvres les plus héroïques… Je sens en mon âme le courage d’un Croisé, d’un Zouave Pontifical, je voudrais mourir sur un champ de bataille pour la défense de l’Église…

Je sens en moi la vocation de prêtre; avec quel amour, ô Jésus, je te porterais dans mes mains lorsque, à ma voix, tu descendrais du Ciel… Avec quel amour je te donnerais aux âmes … Mais hélas ! tout en désirant d’être Prêtre, j’admire et j’envie l’humilité de St François d’Assise et je me sens la vocation de l’imiter en refusant la sublime dignité du Sacerdoce.

Ô Jésus ! mon amour, ma vie… comment allier ces contrastes ?
Comment réaliser les désirs de ma pauvre petite âme ?…
Ah ! malgré ma petitesse, je voudrais éclairer les âmes comme les Prophètes, les Docteurs, j’ai la vocation d’être Apôtre… je voudrais parcourir la terre, prêcher ton nom et planter sur le sol infidèle ta Croix glorieuse, mais, ô mon Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l’Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées… Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles… Mais je voudrais par-dessus tout, ô mon Bien-Aimé Sauveur, je voudrais verser mon sang pour toi jusqu’à la dernière goutte…

Le Martyre, voilà le rêve de ma jeunesse, ce rêve il a grandi avec moi sous les cloîtres du Carmel… Mais là encore, je sens que mon rêve est une folie, car je ne saurais me borner à désirer un genre de martyre… Pour me satisfaire, il me les faudrait tous…

Comme toi, mon Époux Adoré, je voudrais être flagellée et crucifiée… je voudrais mourir dépouillée comme St Barthélémy… Comme St Jean, je voudrais être plongé dans l’huile bouillante, je voudrais subir tous les supplices infligés aux martyrs… Avec Ste Agnès et Ste Cécile, je voudrais présenter mon cou au glaive et comme Jeanne d’Arc, ma sœur chérie, je voudrais sur le bûcher murmurer ton nom, o Jésus… En songeant aux tourments qui seront le partage des chrétiens au temps de l’Antéchrist, je sens mon cœur tressaillir et je voudrais que ces tourments me soient réservés… Jésus, Jésus, si je voulais écrire tous mes désirs, il me faudrait emprunter ton livre de vie, là sont rapportées les actions de tous les Saints et ces actions, je voudrais les avoir accomplies pour toi…

2. « Une petite voie bien droite »

J’ai toujours désiré d’être une sainte, mais hélas ! J’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne qui se perd dans les cieux et un grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants.

Au lieu de me décourager, je me suis dit : Le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables ; je puis donc, malgré ma petitesse, aspirer à la sainteté. Me grandir, c’est impossible. Je dois donc me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections. Mais je veux trouver le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions ; maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection.

Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir, et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse éternelle : « Si quelqu’un est TOUT PETIT qu’il vienne à moi » (Proverbes 9 v. 4). Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu, ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein, et je vous balancerai sur mes genoux ! » (Isaïe, 66 /V.12-13)

Ah ! Jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme ; l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. Ô mon Dieu, vous avez dépassé mon attente, et moi je veux chanter vos miséricordes ! Vous m’avez instruite dès ma jeunesse et jusqu’à présent j’ai annoncé vos merveilles !

Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face

3. « Toujours, Il me comprend »

Qu’elle est donc grande la puissance de la Prière ! On dirait une reine ayant à chaque instant libre accès auprès du roi et pouvant obtenir tout ce qu’elle demande. Il n’est point nécessaire pour être exaucée de lire dans un livre une belle formule composée pour la circonstance ; s’il en était ainsi… hélas ! que je serais à plaindre !… En dehors de l’office Divin que je suis bien indigne de réciter, je n’ai pas le courage de m’astreindre à chercher dans les livres de belles prières, cela me fait mal à la tête, il y en a tant !. .. et puis elles sont toutes plus belles les unes que les autres… Je ne saurais les réciter toutes et ne sachant laquelle choisir, je fais comme les enfants qui ne savent pas lire, je dis tout simplement au Bon Dieu ce que je veux lui dire, sans faire de belles phrases, et toujours Il me comprend… 

Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus. 

Je ne voudrais pas cependant, ma Mère bien-aimée, que vous croyiez que les prières faites en commun au chœur, ou dans les ermitages, je les récite sans dévotion. Au contraire j’aime beaucoup les prières communes car Jésus a promis de se trouver au milieu de ceux qui s’assemblent en son nom (Mt 18,19-20) je sens alors que la ferveur de mes sœurs supplée à la mienne, mais toute seule (j’ai honte de l’avouer) la récitation du chapelet me coûte plus que de mettre un instrument de pénitence. Je sens que je le dis si mal ! J’ai beau m’efforcer de méditer les mystères du rosaire, je n’arrive pas à fixer mon esprit…

Longtemps je me suis désolée de ce manque de dévotion qui m’étonnait, car j’aime tant la Sainte Vierge qu’il devrait m’être facile de faire en son honneur des prières qui lui sont agréables. Maintenant je me désole moins, je pense que la Reine des Cieux étant ma MÈRE, elle doit voir ma bonne volonté et qu’elle s’en contente. 

4. « À cette heure tant désirée »

Je ne trouve rien sur la terre qui me rende heureuse ; mon cœur est trop grand, rien de ce qu’on appelle bonheur en ce monde ne peut le satisfaire. Ma pensée s’envole vers l’Éternité, le temps va finir!…mon cœur est paisible comme un lac tranquille ou un ciel serein ; je ne regrette pas la vie de ce monde, mon cœur a soif des eaux de la vie éternelle! …

Encore un peu et mon âme quittera la terre, finira son exil, terminera son combat…Je monte au Ciel…je touche la patrie, je remporte la victoire!…Je vais entrer dans ce séjour des élus, voir des beautés que l’œil de l’homme n’a jamais vues, entendre des harmonies que l’oreille n’a jamais entendues, jouir de joies que le cœur n’a jamais goûtées…Me voici rendue à cette heure que chacune de nous a tant désirée!…

Il est bien vrai que le Seigneur choisit les petits pour confondre les grands de ce monde…Je ne m’appuie pas sur mes propres forces mais sur la force de Celui qui sur la Croix a vaincu les puissances de l’enfer. Je suis une fleur printanière que le maître du jardin cueille pour son plaisir…Nous sommes toutes des fleurs plantées sur cette terre et que Dieu cueille en son temps, un peu plus tôt, un peu plus tard…Moi, petite éphémère je m’en vais la première ! Un jour nous nous retrouverons dans le Paradis et nous jouirons du vrai bonheur!…