Vite Fait !

Juin est une sorte d’entonnoir : ça se resserre en avançant, à la fin ça se resserre d’un coup, ce qui doit être fait avant l’été ne peut plus être reporté au mois suivant, n’a plus beaucoup de jours pour se faire avant d’arriver au petit tuyau qui expulse vers l’été. Plus de temps ; alors pour ne pas perdre le fil, il importe de recueillir quelques pépites brèves.

Un jour, peu avant la Pentecôte, pendant la retraite réunissant les enfants de nos trois paroisses se préparant à communier, l’un d’entre eux me pose « la » question, celle qui te nourrit pour longtemps : « Jésus, il parlait plusieurs langues ? Il parlait toutes les langues ? » Je lui réponds : justement, il est en train de les apprendre ; en chacun, par exemple en toi, par son Esprit, il apprend le langage de ta vie, il est à l’école :
He 5, 8 : « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance ».
Colossiens 1, 24 : « ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église ».

Jésus Seigneur Ressuscité demeure en nous, à l’école de la vie, et nous aussi à sa suite, l’école des langues que sont la vie de chacune et de chacun. Il est un Patient, un Passionné. Apprendre, ça prend du temps, mais de temps en temps il donne un grand coup d’accélérateur : à la Pentecôte, le chemin qui va de l’un à l’autre et de l’autre à l’un, habituellement si lent et coûteux, est parcouru à la vitesse d’un éclair, ou d’une flamme. L’un parle des langues inconnues, que l’autre entend dans sa langue maternelle. À l’ecclésiastique soupçonneux et piégeux qui demandait à Bernadette Soubirous en quelle langue la Sainte Vierge lui avait parlé, la géniale gamine répondait : « en tout cas, la langue que j’ai comprise ».

Parfois l’intuition, la compréhension, la communion viennent en flashes, en miracles d’accélération : les miracles de communion rapide ne remplacent pas la vie qui prend son temps, ils sont des signes, ils nous sont donnés pour nous encourager à tenir, éclairer les enjeux, le seul enjeu, la communion des hommes entre eux et avec Dieu. Ils concentrent le temps qui autrement se déploie en germination.

La Pentecôte est un instant, son déploiement c’est le Royaume de communion qui se construit pas à pas. Tu cherches où Dieu habituellement se tient, qu’est-ce qu’il fait, pourquoi il ne fait pas plus et autrement, ou plus vite ? Mais s’il allait plus vite, ce serait sans toi ou en dehors de toi. Il se tient en toi, à ton rythme, il est à l’école. Bon ça marche aussi dans les deux sens, tu es aussi à Son école, à l’école de Sa Parole. L’Esprit en toi assure ce va et vient qui construit la communion : Dieu demeure en toi, découvre de l’intérieur de toi, la vie humaine qui prolonge celle de son Fils à travers ta vie à toi, où sa Parole s’incarne désormais, et toi tu demeures en Lui et deviens Sien, tu deviens « être de communion ».

Le temps, l’autre nom de Dieu, parfois peut s’accélérer – quand « deux ou trois de ces petits qui sont miens sont réunis en mon nom » dit Jésus, quand ils s’organisent ou disent non, une porte s’ouvre vers la justice, un progrès. Mais ça ne dure pas trop longtemps. Dieu recommence à patienter dans le réseau complexe de nos intérêts divergents, jusqu’à ce qu’il puisse nous mettre en relation et en action.

Avec la retraite du mouvement chrétien des retraités (MCR), nous avons justement réfléchi à ce lien entre notre perception de la manière dont Dieu agit ou pas, semble agir ou pas, lentement ou pas. Avec Adrien Candiard, dominicain d’Égypte, et son grand petit livre « Veilleur, où en est la nuit? », nous avons accueilli l’éclairage de Jérémie sur l’espérance, qui est soeur de lucidité plutôt que d’optimisme. Vas-y, grand roi, Dieu est avec toi, continue comme tu as prévu, disaient les prophètes d’Israël à celui qui finançait leur job de « griots » de la pensée positive. Jérémie dit : ce sera long, ce que tu connais aujourd’hui n’existera plus demain, tu passeras par bien des conversions, mais ton Dieu ne te lâchera pas, prépare-toi à des renaissances. Dieu est avec toi dans tout ce qui est vrai, il te colle de l’intérieur. Confiance. Quel jeune philosophe écolo-chrétien, récemment, faisait l’éloge de la Lenteur ?

Père Dominique Doyhénart, curé