Ils arrivent…

Les nouveaux habitants…. Ça fait quelques temps maintenant. Les accueillir : un défi à relever avec Joie pour les uns, l’espoir de renouvellement pour nos communautés, mais aussi une sourde menace pour d’autres (avec le tramway les prix vont monter sur la Butte).

Certains enjeux nous dépassent, d’autres questions touchent directement notre responsabilité missionnaire, elles sont au cœur de ce que nous allons partager avec notre Évêque.

Sainte Bathilde saura-t-elle (ré)inventer sa place, sa mission, au cœur d’un quartier de Robinson en complète et rapide reconstruction ? Par-delà les efforts architecturaux pour se désenclaver, avec l’espoir d’une nouvelle entrée d’église visible depuis le RER, comment les nouveaux qui la verront pourront-ils désirer se l’approprier, en faire leur maison ?

Comment saurons-nous aider les nouveaux habitants de l’écoquartier de Lavallée à découvrir Saint-Germain, havre de Paix et de beauté, lieu qui permet de se « recueillir », récupérer, mais aussi qui peut, avec l’appui des anciens châtenaisiens, envoyer les nouveaux en mission dans leur propre néo-quartier ?

Comment Sainte-Thérèse pourra-t-elle continuer à réussir la rencontre des anciens et des nouveaux ?

J’écrivais dans le complément de note pastorale concernant les projets d’aménagement du chœur :

« Un autre défi s’ajoute, comme dans beaucoup de cités assez proches de Paris, lorsqu’arrivent le tramway et de nouvelles populations.

Les plus pauvres des populations existantes sentent confusément que malgré toutes les promesses, les rénovations pourraient au final se traduire par une difficulté pour elles ou pour leurs enfants de se maintenir dans un quartier devenu attractif pour d’autres moins pauvres mais qui ne peuvent déjà plus habiter Paris et les premiers cercles autour de Paris, et qui se mettent à trouver du charme au deuxième cercle, voire à une cité-jardin reliée au monde civilisé par le tram.

Pour notre église paroissiale, donc territoriale, comment faire communauté avec les uns et les autres ?

Les anciens doivent pouvoir dire aux nouveaux : bienvenue, sachez que vous arrivez dans un quartier avec une population qui existe, qui a déjà annoncé l’Évangile, qui a une histoire et une fierté, avec des formes de vie d’Église peut-être différentes de celles que vous avez quittées en arrivant ici.

Les nouveaux doivent pouvoir dire aux anciens : l’histoire des quartiers populaires au XX° siècle n’est pas notre histoire, on veut bien découvrir cette histoire, l’aimer, la respecter, s’y greffer dans une certaine mesure, mais ne nous demandez pas d’entrer dans une église où tout est déjà défini et joué, où on fait comme on a toujours fait ici.

Pour les uns et pour les autres, que chacun puisse apporter sa pierre. Pour les uns et pour les autres, il y a besoin d’infiniment de douceur et de respect. L’ennemi, c’est le mépris.

Nous transformerons notre Église en pensant à ceux du dehors, ceux du quartier qui pourraient venir en journée, ceux nouveaux qui jetteront un oeil en sortant du tram, mais aussi en témoignant de la communauté que nous sommes. La liturgie, elle est aussi ̎action du peuple ̎, étymologiquement. »

Cette ébauche de réflexion, pas vraiment aboutie, je tenais à vous la partager. En deçà des décisions pastorales ou architecturales que nous serons amenés à prendre ici ou là, le défi de l’accueil est spirituel : quelles conversions vivre pour que l’accueil soit une rencontre – ce qui suppose d’être soi-même sans enfermer celui qui arrive dans ce qui a toujours été ?


Ce défi nous rejoint là où nous en sommes de nos forces et de nos fragilités : nous sommes une Église riche de culture(s), de liens, de partenariats, avec de multiples activités. Chacun, bien engagé dans l’activité ou les activités qui sont les siennes, s’inquiète parfois de son peu de connaissance de ce que vivent les autres (et vice-versa !), mais ne dispose pas du temps ou de l’énergie pour se disperser dans la découverte.

Dès lors, comment accueillir un nouveau sans se situer en représentant de telle marque de tasse de thé, ou de telle manière de boire le thé ? Comment travailler sur l’estime mutuelle (dans la franchise et dans la chaleur) que nous nous portons ?

Dans l’accueil il y a aussi une chance, l’autre qui arrive ne vient pas de nulle part. Ce qui le fait vivre, rêver, vouloir, aimer, agir, mérite notre attention passionnée. Si l’accueil est vrai, alors ce qu’il va nous apporter à travers ce qu’il est, les chemins qui l’ont mené ici, c’est tout aussi important que notre désir de lui vendre nos activités ou de le caser dans un organigramme. Les galettes des rois quittent les rayons de nos pâtisseries, mais on en est seulement au début de la rencontre entre nous, les autochtones de Bethléem, et les nouveaux mages qui nous arrivent d’Orient (ou de Paris ou d’ailleurs) – l’important : c’est que les uns et les autres se reconnaissant mutuellement comme chercheurs de Dieu et de l’Homme, passionnés et brûlants.

Autre défi, accepter d’être le grain de blé. J’ai vu avec joie et admiration, ici ou là, comment telle activité était confiée à un arrivant « nouveau », avec le soutien attentif et respectueux du « responsable historique ».

Père Dominique Doyhénart, curé